Crise de la vache folle

1996

De la vache folle à l’expertise collective : l’avènement de l’Afssa

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Le 20 mars 1996, l’annonce du franchissement de la barrière des espèces par le gouvernement britannique provoque une onde de choc dans toute l’Europe, déclenchant la première crise de la vache folle. Auparavant circonscrite à l’animal, la maladie est désormais potentiellement transmissible à l’homme. Un mois plus tard, la Direction générale de la santé annonce le premier décès en France causé par la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Les médias s’emparent du problème et spéculent sur la probabilité d’un véritable cataclysme en matière de santé publique.
La situation impose de mobiliser la meilleure expertise scientifique disponible. Le Pr Dormont, spécialiste éminent des maladies à prions, est nommé dès 1996 à la tête du Comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes transmissibles (ESB). Reste que le prion s’avère être un agent transmissible non conventionnel ; l’étiologie et les voies de contamination de la maladie sont encore largement méconnues. La controverse fait rage entre les spécialistes. L’ère qui s’est ouverte en 1990 et qui s’amplifie en mars 1996 est celle de l’incertitude scientifique. Convoquées par les pouvoirs publics, invitées sur les plateaux télévisés, les grandes figures de l’autorité scientifique peinent à formuler une position consensuelle sur le risque. Les annonces répétées d’hécatombes à venir alimentent le sentiment de panique générale. Le malaise est palpable chez les élus, à qui revient la charge de prévoir les mesures adéquates pour protéger la population. Mais comment faire des choix éclairés lorsque la cacophonie règne chez les scientifiques ?
Ce qui se dessine, à l’époque, n’est rien moins qu’un changement de paradigme dans la gestion du risque sanitaire. Car si on fait appel aux experts, la crise de la vache folle fait clairement apparaître que la vérité scientifique ne peut émerger de l’avis d’une seule et même personne, fût-elle la plus compétente dans son champ disciplinaire. Paradoxalement, c’est au moment où la parole scientifique est au centre de l’arène politique et médiatique que s’effondre le modèle des grandes figures d’autorité. La science devient une affaire collective. Désormais, l’information doit être décloisonnée, coconstruite, et les connaissances passées au crible d’une analyse multidisciplinaire.
C’est précisément l’objet du triptyque prévu par la loi du 1er juillet 1998, qui sépare l’évaluation scientifique des risques de la gestion et de la communication qui lui sont relatifs. Le premier pilier est une compétence affectée à une agence composée d’un collectif de scientifiques, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). La gestion du risque — soit les décisions et mesures de contrôle — est le domaine exclusif des autorités administratives et de contrôle (DGAL, DGCCRF, DSG). Le troisième pilier, la communication sur les risques, non négligeable en temps de crise, n’est pourtant dévolu à aucune instance spécifique et reste une place vacante ou occupée par les différents acteurs de façon plus ou moins coordonnée.
Avis 26,  La crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine : aspects sanitaires, économiques et nutritionnels (2001)