Alimentation et nutrition

2005

Observatoire de l’alimentation et gouvernance alimentaire

Pour de nombreux aliments, le niveau de sécurité sanitaire généralement accepté par la société reflète l’historique de leur consommation sûre par l’homme. Il est reconnu que, dans la plupart des cas, les connaissances requises pour gérer les risques associés aux aliments ont été acquises au cours de leur longue histoire d’usage. Les aliments sont généralement considérés sains pour autant qu’ils aient fait l’objet de soins particuliers durant le développement, la production primaire, la transformation, l’entreposage, la manutention et la préparation.
Les dangers associés aux aliments sont soumis au processus de l’analyse des risques du Codex Alimentarius pour évaluer des risques potentiels et, si nécessaire, pour développer des approches en vue de gérer ces risques. La réglementation européenne a retenu ce processus pour gérer les risques sanitaires d’origine alimentaire depuis la crise de la vache folle. L’analyse des dangers repose sur trois étapes :

L’analyse des risques et les acteurs qui sont impliqués structurent la gouvernance de l’alimentation. Celle-ci est en réalité plus complexe, impliquant d’autres acteurs venant éclairer la décision publique en produisant des outils issus de la recherche, de la prospective, de la surveillance ou encore de la concertation des acteurs de la société et du débat public.
Le CNA, outil de concertation et de débats, permet ainsi de mieux apprécier la perception des risques par les parties prenantes de la chaîne alimentaire, qui est fonction des dimensions économiques, sociales, culturelles ou éthiques. La connaissance précise des pratiques de terrain ou des comportements de consommation peut aussi permettre de mieux aborder le risque réel et donc de mieux assurer l’efficacité et la compréhension des mesures de protection prises. La mise en place d’une expertise « socio-économique » dans le cadre de l’analyse des risques alimentaires semble nécessaire et constituera l’un des travaux importants (Avis 50) du 4e président du CNA, Philippe Guérin (2003-2009), ancien directeur général de l’alimentation. La nécessité d’intégrer des données économiques et sociales dans le processus de gestion des risques devient une priorité. Ces données permettent d’apprécier le coût économique des décisions prises pour l’État ou pour les acteurs de la chaîne alimentaire.
Il est donc nécessaire d’organiser cette prise en compte encore mal identifiée. Doué d’une approche socio-économique, le CNA propose différents dispositifs comme la mise en place d’un débat public dans le domaine alimentaire (Avis 29), et appuie son ambition première de créer un véritable observatoire de l’alimentation (Avis 1). Le but étant de recueillir différentes informations sur la consommation pour constituer une grille de lecture sociétale de l’alimentation française. En 2005, l’Oqali, Observatoire de la qualité de l’alimentation, est proposé dans le cadre du 2e Programme national nutrition santé (PNNS 2). Il s’inscrit dans le cadre de la fiche « Agir sur l’offre alimentaire » et s’appuie sur l’avis 51 du CNA. Ce premier observatoire, abordé sous l’angle de la qualité de l’offre alimentaire, constitue un deuxième axe de travail important du mandat de Philippe Guérin, qui est le développement des signes d’identification de la qualité et de l’origine des produits : les SIQO (Avis 61). Cette période marque dans les réflexions du CNA et de la société le passage d’une qualité dite « technique », abordée dans les débuts du CNA au travers de « l’assurance qualité » (Avis 1), à une qualité dite « additionnelle », génératrice de valeurs, au travers de la « reconnaissance et la certification ».
Pourtant, malgré tous ces efforts qui tendent vers une alimentation perfectionnée, les crises persistent. Le scandale des lasagnes à la viande de cheval (2013) est repris en grande pompe par les médias. Les plus sérieux iront jusqu’à critiquer de plus en plus le système alimentaire français en montrant sur le ton de la dérive les arrière-cuisines du monde agroalimentaire (les nitrites) et agricole (les pesticides). Cela invite à se requestionner sur cette gouvernance de l’alimentation et sur le rôle que pourraient avoir les sciences et le CNA dans les politiques publiques de l’alimentation. Les décisions qui tendront à compléter l’univers de connaissance théorique de l’expert par celui plus pratique de l’homme de terrain sont sans doute celles qui peuvent offrir les meilleures garanties d’efficacité. Toutes les sciences sont égales et se valent, principe même de la concertation. Un rééquilibrage scientifique semble donc nécessaire pour que toutes les disciplines académiques soient présentes. L’avenir du CNA se dessine ainsi, car c’est un lieu d’analyse collective qui fait la synthèse des débats faisant suite aux résultats des différentes expertises scientifiques. Mais c’est aussi un lieu de communication, qui fait le relais entre les différents acteurs de l’alimentation par l’expression d’« orientations de confiance », qui les accompagne vers une gouvernance alimentaire aux réalités sincères.