Alimentation et nutrition

2009

Inscription du CNA dans la loi

L’inscription du CNA dans la loi représentait un enjeu important pour asseoir la pérennité de la structure et conforter sa visibilité. Elle ancre et légitime le CNA dans le paysage démocratique.

Une instance peu visible dans la sphère publique

Depuis sa création, en 1985, le CNA était resté, sans doute du fait même de sa nature consultative sectorielle, une instance assez peu visible en dehors des ministères impliqués, des structures membres, des partenaires associés à la construction des Avis et des destinataires de ces Avis. Le CNA n’a jamais eu vocation à prendre la parole dans l’espace public, si ce n’est ponctuellement sur sollicitation des médias. Certains Avis ont pu avoir un impact significatif, opérationnel (gestion de la crise de l’ESB, création de l’Oqali, mise en place d’une charte régulant la publicité télévisée destinée aux enfants, etc.), sans que la paternité de ces évolutions soit jamais attribuée au Conseil en dehors d’un cercle d’initiés.
De même, la fonction, que l’on pourrait qualifier de pédagogique, des débats conduits au sein des différentes instances du CNA — qui permettent une maturation collective des sujets abordés, la construction d’une culture commune entre les acteurs de la filière alimentaire jusqu’aux consommateurs, etc. — n’est pas visible à l’extérieur.
De ce fait, l’utilité du CNA était régulièrement questionnée, notamment lors des changements de gouvernement ou du renouvellement des assemblées élues, en interrogeant notamment les éventuelles redondances avec des structures telles que le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil national de la consommation (CNC), voire, plus récemment, l’Observatoire de la qualité de l’alimentation (Oqali).
Si, à chaque fois, il a été possible, et même assez simple, de démontrer la spécificité et l’utilité sociétale du Conseil, cette situation créait une certaine insécurité.
Par ailleurs, en 2006, un décret a limité à cinq ans l’existence des instances consultatives qui ne sont pas inscrites dans la loi, durée à l’issue de laquelle la pertinence du maintien de la structure concernée doit être réévaluée (Décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif. NOR : BUDX0600088D). Le CNA était bien entendu inclus dans le périmètre de ce texte.

Une inscription indirecte dans la loi

En 2009, le ministre chargé de l’Agriculture, Bruno Lemaire, a affiché l’ambition de construire une véritable politique publique de l’alimentation, inscrite dans la loi, intégrative, englobant notamment la souveraineté et l’indépendance alimentaire, l’éducation, la formation, la sécurité sanitaire et environnementale, les aspects patrimoniaux et culturels. Cette politique serait déclinée dans le cadre d’un Programme national pour l’alimentation (PNA) dont les contours restaient à définir.
C’est naturellement que le ministre s’est tourné vers le CNA, qu’il venait d’installer pour un nouveau mandat sous la présidence de Bernard Vallat, pour lui demander d’élaborer des propositions pour construire le premier PNA. Le Conseil a travaillé d’arrache-pied pendant quatre mois pour produire le document « Propositions du Conseil national de l’alimentation pour la mise en œuvre du Programme national pour l’alimentation » (Avis 69, 17 juin 2010), dont le contenu a été très largement repris pour construire le PNA-1 (2010-2013).
C’est en s’appuyant sur cette première contribution que le président Vallat a pu agir, en lien avec le cabinet du ministère chargé de l’Agriculture, afin que soit inscrit dans la future loi, en même temps que la création du PNA, le rôle dévolu au CNA dans l’élaboration et le suivi de ce programme novateur.
Loi n° 2010-874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, JORF n° 0172 du 28 juillet 2010 (LMAP), article 1er :

« La politique publique de l’alimentation est définie par le gouvernement dans le Programme national pour l’alimentation après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire et du Conseil national de la consommation. Le Conseil national de l’alimentation est associé à l’élaboration de ce programme et contribue au suivi de sa mise en œuvre. »
Art. L. 230-1 du Code rural, extrait.

Ainsi le CNA n’est-il pas directement créé, ou refondé, par une loi, mais la loi lui confie-t-elle des missions qui imposent, de fait, sa pérennité. L’article 1er de la LMAP permet d’atteindre deux objectifs concomitants, inscrire le CNA dans un texte de loi pour assurer sa pérennité et confier au CNA un rôle déterminant vis-à-vis du PNA, confortant sa mission fondamentale dans le cadre de la politique nationale de l’alimentation en France.
L’inscription du CNA dans la LMAP le dispense de l’examen quinquennal qui s’impose depuis 2006 aux instances consultatives dont l’existence n’est pas prévue par la loi.
Cette approche a été renouvelée en 2014 lors de l’élaboration de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, JORF n° 0238 du 14 octobre 2014, LAAAP).
Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAP), article 1er :

« Le Conseil national de l’alimentation participe à l’élaboration du Programme national pour l’alimentation, notamment par l’analyse des attentes de la société et par l’organisation de débats publics, et contribue au suivi de sa mise en œuvre. »

Ce texte réaffirme la mission confiée au CNA en 2010, dans l’élaboration et le suivi du PNA. Il confie par ailleurs au Conseil une mission entièrement nouvelle, l’organisation de débats publics, qui impliquera de développer de nouvelles approches.
Il est à souligner que, si le CNA a été sollicité par le ministre Stéphane Le Foll pour contribuer à l’élaboration du volet de la future loi relatif à la politique de l’alimentation, ce n’est pas lui qui a suggéré l’extension de ses propres missions vers le débat public. C’est sans aucun doute le fait que le CNA était identifié comme une instance expérimentée dans la conduite de débats qui a conduit les décideurs politiques à lui confier cette mission, sous-tendue par la nécessité de réconcilier les consommateurs français avec leur alimentation et avec les différents acteurs de la filière.