Alimentation et nutrition
2010
Un consensus difficile
La politisation de l’alimentation ainsi que sa médiatisation croissante font que le CNA travaille avec moins de quiétude qu’encore quelques années auparavant.
Les sujets alimentaires se sont politisés, en lien avec les grandes crises sanitaires (ESB), mais aussi avec la mise en œuvre, en 2001, du Plan national nutrition santé, qui a peu ou prou changé la perception de l’alimentation par le grand public, puis, dix ans plus tard, en 2010, du Plan national pour l’alimentation (PNA). Ces plans, bien qu’affichés comme complémentaires, traduisent une vision différente du fait alimentaire entre deux des ministères de tutelle du CNA.
La montée en puissance des sujets alimentaires dans les médias conduit à un food-bashing quasi quotidien de l’alimentation et de ses différents acteurs, producteurs, experts ou décideurs. La majorité des médias, et plus encore les émissions ou articles à scandale, recherchent le sensationnel et instruisent les sujets à charge. Si ce contexte conforte l’utilité d’une instance telle que le CNA, travaillant sur le fond et dans la durée, il en complique parfois la tâche.
Dans une France qui n’a pas de culture du compromis, il semble de plus en plus difficile de faire de la concertation et de la valoriser, car les médias ne valorisent plus du tout le consensus. Il leur faut des méchants et des gentils, et se parler, c’est, pour eux, se compromettre avec « l’ennemi ». La valorisation croissante des dissensus conduit certains acteurs, et notamment, au sein du CNA, certaines associations de consommateurs, à se démarquer du consensus. La différence tend à se creuser entre les associations qui ont une posture a priori collaborative, à la recherche de solutions, et celles qui adoptent une posture d’opposition, de dénonciation, plus visible médiatiquement.
D’une façon générale, depuis le début des années 2000, divers lanceurs d’alerte et ONG utilisent l’argument massue du conflit d’intérêts pour discréditer les structures officielles, notamment d’expertise, ou les experts individuellement, dès lors qu’il s’agit en contrepoids de promouvoir leurs propres positions. Ces ONG allèguent de leur propre indépendance, oubliant qu’elles et leurs membres ont, comme tous les acteurs d’un système, leurs propres enjeux et systèmes d’intérêts, en interne et vis-à-vis de l’extérieur, ne serait-ce que pour continuer à exister. Relayée à l’envi par les médias, cette posture génère un climat particulièrement délétère.
Par ailleurs, les processus de décision semblent s’accélérer, on légifère souvent dans l’urgence ou le court terme. Le politique tend à écouter davantage l’opinion publique que les instances de conseil… D’ailleurs, une vision très utilitariste des conseils et des comités s’est développée, laissant penser qu’ils n’ont pas rempli leur fonction s’il n’en sort immédiatement une décision. Or, la maturation collective, la maturation consensuelle, en amont d’une décision, est le gage de son partage ultérieur.
Enfin, de façon plus subtile, une disjonction semble s’être opérée entre le politique et les administrations, via le filtre des cabinets ministériels, conduisant à une perte d’influence des administrations. Cette évolution est notamment liée à la médiatisation croissante de la vie politique. Elle se traduit par exemple, pour le CNA, par une moindre implication des administrations de tutelle, notamment dans les groupes de travail. Ceci peut également refléter une revendication croissante d’indépendance de la part du Conseil et, plus simplement, une réelle surcharge de travail dans les administrations centrales et déconcentrées.